Manifeste pour une véritable restauration-reconstruction de Notre-Dame de Paris
Par Alain HAYS - International Consultant: Green Building & Building Heritage (GBBH), membre de l'Association Française Restaurons Notre-Dame.
Cette communication peut être lue comme un manifeste pour sensibiliser la communauté nationale et internationale, le public, les donateurs et les décideurs, afin d’agir ensemble pour une véritable restauration-reconstruction de Notre-Dame de Paris et non favoriser un projet contemporain greffé gratuitement sur la célèbre cathédrale gravement endommagée par le terrible incendie du 15 avril 2019.
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ALLIANCE OU CONFLIT ENTRE PASSÉ ET MODERNITÉ
Notre vision n’est point passéiste. Bien sûr, nous avons tous en tête la magnifique pyramide de Ieho Ming Pei, ce grand architecte qui, triste coïncidence, s’éteindra un mois, jour pour jour, après l’incendie de Notre-Dame. Mais remarquons que ce chef d’œuvre architectural pour le Musée du Louvre ne fut pas greffé sur son bâtiment, mais construit dans sa cour. Dans le cas de Notre-Dame il ne s’agit pas d’imaginer une œuvre signalétique majeure pour son parvis mais bien de restaurer et reconstruire un monument en intervenant au cœur de son architecture sinistrée.
TROIS IMPÉRATIFS
Le message pour la restauration-reconstruction de Notre-Dame de Paris se veut pluriel et repose sur trois impératifs fondamentaux :
1. Respecter le Patrimoine mondial de l’UNESCO
Premièrement, il s’agit d’appuyer des initiatives sérieuses de restauration-reconstruction patrimoniale en rappelant la classification de Notre-Dame de Paris au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, et par conséquent de ses éléments remarquables inclus dans cette haute distinction. Ce qui est particulièrement le cas de la flèche emblématique de Viollet-le-Duc.
C’est aussi le point de vue de Francesco Bandarin [1], qui confirme que les rajouts réalisés au XIXème siècle forment bien partie du Patrimoine Mondial. Francesco Bandarin redéfinit aussi de façon pertinente ce que devrait être un « geste architectural », s’il avait lieu d’être, dans le cadre d’une véritable restauration-reconstruction.
« Les rajouts de la Cathédrale au XIXème siècle forment parties de son histoire tout autant que ses voutes gothiques.»
« Notre-Dame est donc inscrite sur la liste du Patrimoine Mondial non seulement en raison de la splendeur de son architecture gothique, mais également de l’importance historique des interventions du XIXe siècle, notamment de la toiture et de la flèche, parties intégrantes des plus innovantes et visibles de l’œuvre de Viollet-le-Duc. C’est ce qui doit être reconstruit aujourd’hui en faisant usage, bien sûr, de techniques et technologies modernes qui rendront le bâtiment plus résistant et plus sûr. Cela exclut-il un «geste architectural» ? Non, bien sûr que non. Une restauration majeure sera en elle-même un « geste architectural », l’un des plus complexes que l’on puisse imaginer, même s’il est moins accrocheur que la virtuosité que nous sommes en droit d’attendre d’une architecture contemporaine. La « contemporanéité » de ce geste-là se manifestera par les techniques de construction et procédés de mise en œuvre employés plutôt que par des formes perceptibles sur le bâtiment.» (Francesco Bandarin, Notre-Dame should be rebuilt as it was, The Art Newspaper, 30 Avril 2019. T.D.A.)
[1] [Francesco Bandarin : Ancien directeur du Centre du Patrimoine Mondial et assistant du Directeur-Général pour la Culture de l’UNESCO, Conseiller spécial auprès du Directeur-Général de l’ICCROM.]
À cela, il est judicieux de rappeler les propos tenus par l’architecte Jean Nouvel :
« Je pense qu’ici, il faut être plus gothique que jamais … »
« Ce qui est important pour les grands témoignages, c’est de conserver leur pouvoir d’émotion. Évidemment, Notre-Dame de Paris est aussi un exemple de sédimentation, il y a eu différentes interventions dans le temps, mais il y a un jugement historique qui se fait aussi en fonction de la qualité de cette sédimentation et des époques qui constituent ce bâtiment », développe-t-il. « C’est une question d’éthique architecturale et culturelle, et si on considère que le témoignage est essentiel, à mon avis, on ne peut pas le toucher trop.» […] Jean Nouvel a également tenu à saluer l’œuvre de son lointain prédécesseur : Eugène Viollet-le-Duc, maître d’œuvre de la restauration de Notre-Dame de Paris au 19ème siècle, et auteur de la flèche partie en fumée le 15 avril. « Le grand spécialiste de l’architecture gothique, c’est Viollet-le-Duc », assure-t-il. « Il nous a donné des choses quand même extraordinaires, dont cette flèche", poursuit Jean Nouvel, balayant ainsi les critiques de ceux qui voient dans cette flèche un élément étranger à la structure médiévale de la cathédrale, et donc négligeable. « Moi, je ne redessinerais pas la flèche », ajoute-t-il, sans en dire plus. « Le Grand Rendez-vous : avec Jean Nouvel », EUROPE 1/ CNews/ Les Échos, 26 mai 2019.
2. Respecter l’œuvre mondialement reconnue de Victor Hugo et Viollet-le-Duc
Deuxièmement, il est important de rappeler que l’état « gothique » sublime de Notre-Dame, que tous nos contemporains ont connu est l’œuvre d’une rencontre exceptionnelle de deux génies : Victor Hugo et Viollet-le-Duc et de leur incroyable mobilisation pour sa restauration-reconstruction au XIXe siècle. C’est en grande partie grâce à leurs efforts méritants et leurs immenses talents que « Notre-Dame de Paris » fait l’unanimité au niveau international et qu’elle est devenue une célébrité mondiale grâce à eux. (Voir la communication que réalisée par Alain Hays, juste après l’incendie de Notre-Dame).
« Le XIXème siècle est ce que l’on pourrait appeler la première vague de médiévalisme, avec des gens comme Walter Scott qui vont faire beaucoup pour créer ce Moyen-âge. [...] « Quand on parle de Notre-Dame par exemple, on pense plus à Notre-Dame d’Hugo qu’à la Notre-Dame du XIIème siècle ou du XIIIème siècle. » On est dans une ré-imagination du moyen âge au XIXème siècle […] » (William Blanc (historien médiéviste). Retrouver le Moyen Âge par la légende. Le cours de l’histoire par Xavier Mauduit, France Culture, 18/09/2019).
« Les modes ont fait plus de mal que les révolutions. Elles ont tranché dans le vif, elles ont attaqué la charpente osseuse de l'art, elles ont coupé, taillé, désorganisé, tué l'édifice, dans la forme comme dans le symbole, dans sa logique comme dans sa beauté. […] Cette église centrale et génératrice est parmi les vieilles églises de Paris une sorte de chimère ; elle a la tête de l'une, les membres de celle-là, la croupe de l'autre ; quelque chose de toutes. […] L'homme, l'artiste, l'individu s'effacent sur ces grandes masses sans nom d'auteur ; l'intelligence humaine s'y résume et s'y totalise. Le temps est l'architecte, le peuple est le maçon.» (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. 1482, Livre troisième, Edit. Charles Gosselin, Libraire, 1831. )
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