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Notre-Dame : plusieurs options sont possibles pour la charpente en bois et la flèche

Dernière mise à jour : 20 juil. 2020

Par Pascal Jacob,

Président de l'Association Restaurons Notre-Dame, reconnue d'intérêt général

Paris, le 15 juillet 2020


"Restaurons Notre-Dame" (rND) est fière d'avoir contribué avec tous ceux qui ont défendu une restauration "à l'identique" de Notre-Dame à cet heureux dénouement où l'option bois pour la charpente et flèche de Notre-Dame occupe à présent une place centrale. Elle remercie tous ses adhérents et les personnalités de son comité de soutien, Yann Arthus Bertrand, Stéphane Bern et Françoise Delay de l’Académie française.


Ce 9 juillet 2020 marquera à jamais la renaissance de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Philippe Villeneuve, l'Architecte en Chef des Monuments Historiques en charge de la cathédrale Notre-Dame de Paris a finalement convaincu à la fois les membres de la Commission Nationale du Patrimoine et de l'Architecture (CNPA) et le Président de la République. Au nom d'un continuum historique, pour ne pas menacer la structure, son volumineux rapport a reçu un avis positif et unanime de la commission qui, bien que consultative, est en général suivi par le ministère de la culture. Un consensus important pour cette assemblée d'architectes, d'élus, et de représentants d'associations de défense du patrimoine, qui ont choisi la meilleure solution de restauration de la cathédrale dans les règles de l’art et le respect du Patrimoine mondial à savoir une charpente en bois à la manière de l’illustre « forêt » du XIIIe siècle (réalisée en chêne) et la flèche recouverte de plomb. Pour l’architecte, seul ce matériau permettrait de retrouver les couleurs et les nuances de la flèche disparue.


Nouvelle charpente et flèche : éviter toute précipitation et attendre le résultat du diagnostic de l’infrastructure

Il convient, en effet, d'être très prudent sur les conditions de réalisation de la future charpente en bois et de la flèche de Notre-Dame et éviter toute précipitation. Il est en effet beaucoup trop tôt pour connaitre avec certitude les caractéristiques de la future charpente. Les hypothèses de calculs à prendre en compte pour sa réalisation conduiront très probablement à concevoir une charpente en bois qui réponde à des critères encore plus exigeants que celle disparue le 15 avril 2019 ...


Notre-Dame de Paris a subi un choc d'une violence inouï le 15 avril 2019 : un incendie d'une quinzaine d'heures générant une température de 800 à 1200 degrés qui a rayonné sur l'extrados des voûtes en pierre consécutif à l'effondrement de la charpente, puis l'effondrement de la flèche, une structure de plus de 500 tonnes tombée d'une hauteur de 100m générant des conséquences dont le bilan est en cours, enfin des tonnes d'eau déversées pour tenter de limiter les effets de l'incendie ... l'état structural de la cathédrale n'est donc plus le même qu'au moment de recevoir sa charpente au début du XIIIème siècle mais aussi à l'instant où Viollet-Le-Duc conçut et réalisa la nouvelle charpente des transepts et celle de la flèche en 1850.


Seul, le diagnostic en cours révèlera l'état physique et mécanique exact de l'infrastructure de la cathédrale (notamment la pierre), la qualité des appuis des pieds des futures fermes en bois, déterminante pour la géométrie finale. Une fois ces données connues, l'étude de la nouvelle charpente pourra être réalisée avec précision. En ce sens, les recommandations de la CNPA, le 9 juillet dernier, sont de facto d'actualité sur un plan purement mécanique et physique.


Rappelons que la charpente de Notre-Dame de Paris ne datait pas seulement du moyen-âge, mais aussi du XIXème siècle pour la partie du transept qu’avait refait Viollet-le-Duc et bien sûr pour sa fameuse flèche. Nous avions déjà sur l’existant des structures bois différentes exécutées avec des techniques qui avaient dû s’adapter aux exigences et savoirs de chaque époque.

Par ailleurs, la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture souhaiterait une charpente qui aurait toutes les qualités possibles eu égard à l'état actuel de la recherche. Elle a donc demandé aux architectes en chef des monuments historiques de leur proposer une série de dessins …

Quelle logique structurelle pour la future charpente ?

Si l'on doit s'inspirer de l'ancienne charpente pour la réalisation de la nouvelle, ou plutôt de ces anciennes charpentes (en chêne massif, ce que privilégie prioritairement l'Association Restaurons Notre-Dame), il convient de comprendre comment les charpentiers du XIIIème siècle ont conçu ces ouvrages.

Paolo Vannucci, ingénieur en génie civil auteur de l'étude en profondeur de l'ancienne charpente de Notre-Dame, avait révélé un changement de schéma statique évident entre les anciennes charpentes du chœur et de la nef. Ce dernier, réalisé postérieurement, est meilleur d'un point de vue structural : l'unité structurale de la charpente de la nef a une fréquence fondamentale de vibration nettement plus élevée de celle du chœur, pour une masse qui est pratiquement la même, signe d'une plus grande rigidité et donc d'une plus grande stabilité. Ce résultat a été obtenu par le concepteur de la charpente de la nef (au XIIIème siècle) grâce à une meilleure organisation structurale de la ferme principale et des liaisons longitudinales, tandis que les fermes secondaires sont du même type dans les deux cas.

Au final, ceci s'obtient au prix d'une plus grande quantité de bois par unité de longueur de charpente. Il faut aussi souligner que l'analyse mécanique révèle que le niveau des contraintes dans les différentes parties de la charpente était très bas et pratiquement le même dans le chœur et la nef (ce qui explique au moins en partie la grande longévité de la charpente disparue et le fait qu'elle aurait sans doute pu durer encore très longtemps).

Ainsi, le charpentier de la nef a œuvré essentiellement pour augmenter, et fortement, la rigidité de la structure, même au prix d'une augmentation de la masse de bois, mais pas nécessairement sa résistance ...


Il faut également préciser que dans le cas d’une structure traditionnelle il est fréquent que les contraintes de travail (traction et compression) soient basses, puisque le dimensionnement des sections de bois est majoritairement provoqué par le dimensionnement des assemblages qui permettent le transfert des efforts de pièce en pièce Et c’est encore plus vrai dans les structures types chevrons-fermes telles que celles de l’ancienne charpente de Notre-Dame de Paris. Cependant, avec les méthodes contemporaines il est très facile de modéliser une structure et de faire varier une multiplicité de paramètres pour rechercher le meilleur compromis.


Qu'en sera-t-il pour cette future structure qui résultera des conditions nouvelles issues de son état fragilisé résultant de cet incendie et des sollicitations climatiques exceptionnelles évoquées ci-dessous ?

Une charpente pour des siècles : quelles sollicitations climatiques ?

La conception de la future charpente en bois et celle de la flèche ne pourra probablement pas se contenter de reproduire cet ouvrage uniquement à partir des données géométriques et physiques collectées de l'ancienne charpente. En effet, cette future structure devra obéir à un processus précis d'études techniques et, en particulier, l'identification exacte des sollicitations permanentes et surtout climatiques actuelles et futures puisqu'il s'agit de rebâtir une charpente et une flèche pour plusieurs siècles. A ce sujet, les conditions climatiques notamment de vent devront être probablement reconsidérées par rapport à celle qui avait été pensées au XIIIème siècle et même par les charpentiers de l'entreprise Bellu au XIXème chargée par Eugène Viollet-Le-Duc de réaliser la flèche et la charpente des transepts de Notre-Dame.

Le changement climatique se faisant (les vitesses maxima de vent à Paris ont régulièrement augmenté au cours du dernier siècle passant, selon Météo France, de 104 km/h en 1900 à 169 km/h en 1999), les risques de sollicitations extrêmes voire exceptionnelles (200 à 250 km/h, sachant qu'une vitesse de 200 km/h à 10 m du sol correspond à environ 350 km/h à 45m du sol à savoir à la hauteur du faîtage du toit de la cathédrale) devront être prises en compte tant en fréquence qu'en intensité. Il conviendra d'en mesurer les effets en particulier sur la flèche qui représente — mécaniquement - une structure en console de plus de 60m de hauteur (et dont l'élancement est pratiquement unique au monde pour une structure en bois de cette importance) dont les appuis sont positionnés à 36m du sol ...

Il est donc tout à fait probable que la géométrie de la charpente, les assemblages, les ancrages soient profondément revus par rapport à l'ancienne structure. Cela est également valable pour la charpente de la nef, des transepts et du chœur.

Restaurons Notre-Dame (rND) constitue un "Pôle Bois" de coopération universitaire et professionnel

Suite à l'heureux dénouement des perspectives de restauration-reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Restaurons Notre-Dame (rnD) a décidé de constituer un "Pôle bois" de coopération universitaire et professionnel mobilisant des partenaires académiques et des spécialistes des différents métiers de haut niveau.

La commission Scientifique, Technique et Universitaire de l'association Restaurons Notre-Dame compte ainsi pouvoir participer activement, aux côtés de la maitrise d'oeuvre de la cathédrale, à la conception de la charpente, flèche et toiture de Notre-Dame de Paris en s'appuyant, d'une part, sur des acteurs universitaires nationaux et internationaux (six grandes écoles d'architecture et d'ingénieurs) ainsi qu'un groupe de trente étudiants dans le cadre du Master 2 Génie Civil « Architecture Bois Construction » et de PFE (Projet de fin d'études d'ingénieurs) et, d'autre part, sur un Comité d'Experts composés de professionnels des charpentes, des toitures et du patrimoine où tous les savoirs, y compris compagnonniques, auront leur place.

Un prototype de charpente bois paramétrable

L'ensemble de ces hypothèses encore imprécises voire inconnues à ce jour conduira la commission de coopération scientifique, technique et universitaire à concevoir un prototype de charpente en bois paramétrable, évolutif et adaptable en fonction des connaissances et réponses qui résulteront des études et diagnostic en cours. Toutes les options, quant aux types de matériaux bois, à la modélisation géométrique, aux fonctionnalités et l'adaptabilité pourront donc être envisagées. Cela rejoint ce qu’aurait demandé la Commission Nationale du Patrimoine et de l'Architecture, le 9 juillet 2020, à la suite de l'audition des Architectes en Chef des Monuments Historiques.

Les acteurs du pôle de coopération universitaire et professionnel de rND

Le projet d'études, piloté et coordonnées par Franck BESANÇON (1) et Gilles DUCHANOIS (2), s'organisera en collaboration avec plusieurs grandes écoles, universités et laboratoire de recherches :

· ENSA Nancy : École Nationale Supérieure d'Architecture de Nancy

· ENSTIB d'Épinal : École Nationale Supérieure des Technologies et des Industries du Bois

· ESB Nantes : École Supérieure du Bois de Nantes

· HTW SAAR : École Supérieure de Sarrebruck (Allemagne)

· MAP-CRAI : Centre de recherche en architecture et ingénierie

· Le LHAC : Laboratoire d'histoire de l'architecture contemporaine.

Une trentaine d'étudiants issus de ces établissements participeront au projet d'études soit dans le cadre du Master 2 Génie Civil « Architecture Bois Construction » soit dans le cadre de PFE (projet de fin d'études). Le lancement de ces cycles est prévu le 10 septembre prochain.


Le Comité d'Experts

Ce comité est composé de personnalités reconnues pour leurs compétences dans les domaines de l'histoire des patrimoines, des monuments historiques et de leur restauration, des études scientifiques et techniques, des métiers de la charpente, de la pierre et des toitures : Artisans et responsables d'entreprises, compagnons, ingénieurs.

Le rôle des experts sera de donner de la crédibilité aux résultats des études. Ils pourront enrichir, préciser et limiter les sujets d'études avant d'être engagés. Ils suivront également l'évolution des travaux et répondront aux sollicitations qui leur seront adressées. Ils apporteront dans leur domaine de compétences un regard libre et indépendant sur les études engagées (conception et modélisation, fabrication, chantier, économie, numérique, patrimoine, filière métiers ...).

 

A propos de l’association Restaurons Notre-Dame

L'association Restaurons Notre-Dame, créée au lendemain de l’incendie des 15 et 16 avril 2020. Elle est soutenue par Stéphane Bern, Yann Arthus Bertrand (son parrain) et Florence Delay, de l’Académie française.

Elle défend prioritairement l'emploi du bois pour la nouvelle charpente et nouvelle flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris. L’un de ses fondements est aussi de respecter la Cathédrale en tant que patrimoine historique mondial et de démontrer que le patrimoine du XIXème siècle (la flèche et le transept) est tout aussi important que celui médiéval (XIIIème siècle : nef et chœur) et qu’il fait partie du patrimoine mondial à part entière.

Elle milite pour une véritable restauration-reconstruction de la cathédrale dans les règles de l’art et la prise en considération des chartes et conventions du patrimoine mondial pour ce faire. Elle entend aussi démontrer que Notre-Dame de Paris est une expression majeure de l’« Art de la Pierre et du Bois » et que ce sont des chefs d’œuvre de bois (la charpente médiévale « La Forêt » et la flèche médiévaliste (néo- gothique) de Viollet-le-Duc qu’il s’agit de reconstruire. L'objectif ultime consiste à démontrer que le matériau bois occupe une place très particulière à prendre en considération, à la fois « d’authenticité » mais aussi d’inégalable « durabilité » (plus de huit siècles !) à l’encontre de tout autre matériau.

Association française « Restaurons Notre-Dame » 5, Rue Perrée 75003 PARIS

Contact : Pascal JACOB contact@restauronsnotredame.org


 

(1) Franck Besançon est Président de la Commission Scientifique, Technique et Universitaire de l’association Restaurons Notre-Dame, Directeur de la chaire partenariale d’enseignement et de recherche «architecture et construction bois : du patrimoine au numérique ». Il est également architecte DPLG, Enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture (ENSA) et au MAP-CRAI, Centre de Recherche en Architecture et Ingénierie de Nancy.

(2) Gilles Duchanois est enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy

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