Par Christian DUMOLARD, Membre de Restaurons Notre-Dame
Photo Bernard BRANGÉ, Membre de Restaurons Notre-Dame
Avec le concours de Pascal JACOB, Membre d'Honneur de Restaurons Notre-Dame
Ce mardi 28 novembre 14h06 : en 30 minutes la dernière partie du poinçon central de la flèche, partie verticale de plusieurs mètres de haut épaulée de ses arbalétriers latéraux, s’envole au bout d’une grue et rejoint sa place définitive, au dessus des parties précédemment assemblées.
Suite de cet évènement (14h26 à 14h36) :
14h26. Suspendu à son fil, devenu soudain minuscule dans l’immensité du ciel, le poinçon n’est déja plus dans notre monde. Sa vie aérienne commence, sans doute pour plusieurs siècles.
© Bernard Brangé le poinçon diminue rapidement à notre vue.
Durant son ascension rapide la structure de bois oscille un peu. Nous ressentons comme une fragilité. Devenue lointaine, petite, elle devient fêtu de paille.
© Bernard Brangé, le poinçon oscille lors de son ascension.
14h27. Notre œil habitué aux images des exploits spatiaux peut voir là comme une fusée qui s’affranchit de la gravité. En réalité, c’est un peu de cela qu’il s’agit.
© Bernard Brangé, toujours plus haut.
14h31. Derniers instants de plein-ciel pour notre poinçon. Dans quelques instants il va s’amarrer définitivement et finir la progression en hauteur de cette colonne centrale constituée de plusieurs vertèbres de chêne empilées à la verticale les unes sur les autres, de manière parfaite.
© Bernard Brangé. L'élévation finie, maintenant rotation vers la tour de métal.
14h33. C’est la fin, pour nous. Cette dernière partie du poinçon descend doucement dans son corset provisoire de métal, permettant aux hommes de mener la suite des travaux.
© Bernard Brangé, le poinçon commence sa descente.
14h35. Huit hommes, visibles sur cette photo, se penchent sur la descente du poinçon et son arrimage. L’effervescence doit être à son comble. Même si des assemblages d’éléments de chêne restent à réaliser pour le 2e étage à jour de la flèche et les galbes au dessus, le gros-oeuvre bois semble là se finir.
© Bernard Brangé. zoom au 450mm. Arrimage du poinçon dans peu de temps.
Pour mémoire voici le déroulement de cette fin de travaux presque équivalente à l'époque de Viollet-le-duc, notée dans son "Journal des travaux" : 30 avril 1859, On a monté ce matin l'aiguille de la flèche et la pointe extrême du poinçon (les travaux de montage ont commencé le 14 février dernier). 9 mai 1859, Le gros œuvre du montage de la flèche étant terminé l'on commence la pose des arêtiers et des balustrades des deux étages à jour. 16 mai 1859, Aujourd'hui à deux heures et demi, la pose du drapeau (drapeau tricolore obligatoire, rappelant que ce bâtiment appartient à la République française) à la pointe de la flèche a été opérée en grande cérémonie par les ouvriers charpentiers accompagnés de la musique. cette cérémonie a été célébrée en présence de M. Viollet-le-Duc, architecte de la cathédrale".
Gageons qu’en cette occasion identique, cent soixante ans plus tard, les équipes responsables de ce succès surent le fêter.
© Bernard Brangé, la silouhette bien connue de la cathédrale
s'offre à nouveau à notre regard, avec un peu d'imagination.
14h36. Sur cette dernière vue notre œil peut enfin deviner la nouvelle flèche insérée dans son milieu, à la croisée des transepts, et retrouver la silouhette qui nous était si familière avant le drame du 15 avril 2019. La pose est suivie de partout, de télévisions au sol et aussi du haut de la tour nord où trois personnes suivent l’événement.
Pendant ce temps le chantier ne s’arrête pas, comme le montrent les charpentiers au travail, au côté gauche de la photo, travaillant à différents niveaux de la charpente de l’abside, car il faut tenir le pari de la réouverture au public le 8 décembre 2024.
Ce drame a failli marquer la fin de ce monument emblématique, qui appartient à divers titre à notre culture à tous. Paradoxalement et grace à une mobilisation sans faille, ce sinistre est devenu l’agent de la résurrection de notre cathédrale qui sort de cette épreuve renforcée, rajeunie comme on ne l’a jamais connue.
... Oui, nous découvrons le lendemain vendredi 1er décembre la fête qui s'en suivi à 11h30 :
Pose du bouquet final du chantier bois
Il signifie la fin du gros oeuvre bois de la flèche. Sous l'oeil infaillible d'un drone la grue soulève l'énorme bouquet tricolore constitué de fleurs bleues en haut, blanches au milieu et rouges sous les rubans tricolores flottant au vent. Il y a là comme une symbiose parfaite, sans doute involontaire, des couleurs de notre pays et des couleurs de Marie à laquelle ce monument est dédicacée. Bravo.
© Bernard Brangé, zoom 300mm, photo éclaircie
Les équipes ont effectivement fêté cet événement unique, historique, exceptionnel. Prenons en bien conscience. Jamais nous ne reverrons pareille construction, ni un tel élan national avec l'adhésion de tous, même parfois de grincheux.
© Bernard Brangé, zoom 770mm, photo éclaircie.
Une vingtaine de personnes, tout le staff, attendent le bouquet de fleurs, comme le veut la tradition des charpentiers qui fêtent cet événement..... Et il y a de quoi ! Même nous, grand public, fêterons cet événement.
© Christian Dumolard (voir son expographie Notre-Dame)
Nota : pourquoi cette flèche néogothique a-t-elle été édifiée au XIXe ? Pour le comprendre, ainsi que la construction de deux autres flèches néogothiques en 1854 à la Sainte-Chapelle de Paris et et 1858 à la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans, voir l'article publié dans la revue annuelle "Fragments du Compagnonnage", éditée par le musée du Compagnonnage de Tours, en décembre 2021 ou télécharger laversion pdf(libre) sur Academia.edu.
A propos
(Partie II) Pose du dernier élément bois de la flèche de Notre-Dame de Paris,
28 novembre 2023
Textes : Christian DUMOLARD
Photos : Bernard BRANGÉ
Avec l'aimable concours de Pascal JACOB, Past-Président et Membre d'Honneur de l'Association Restaurons Notre-Dame
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