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Quelle flèche à Notre-Dame de Paris avant Viollet-le-Duc ?

Dernière mise à jour : 16 nov.

Par Christian DUMOLARD

23 Août 2025, mis à jour le 16 novembre 2025


Sociologue, historien, membre Éminent de Restaurons Notre-Dame (rND)

Spécialiste des cathédrales gothiques, de la charpenterie et du compagnonnage

Auteur de l'expographie exceptionnelle "Notre-Dame de Paris"


A gauche la rentrée dans Paris de la reine Isabeau de Bavière en 1389. Manuscrit Harvey, vers 1450, British Library. Wikipedia.. A droite peinture de Raguenet, 1769, musée Carnavalet, Paris, CCO
A gauche la rentrée dans Paris de la reine Isabeau de Bavière en 1389. Manuscrit Harvey, vers 1450, British Library. Wikipedia.. A droite peinture de Raguenet, 1769, musée Carnavalet, Paris, CCO

 

En 1859 la cathédrale Notre-Dame de Paris change radicalement de physionomie : une flèche se dresse en quelques mois à la croisée des transepts. Elle culmine à quatre vingt seize mètres de hauteur par rapport au sol. Quelle nouveauté ! De mémoire de parisien, enfant, parent, grand-parent, nul n’en avait vu sur la cathédrale.

Cet oubli commence en 1794, l’année de la démolition de la flèche d’après Antoine-Pierre-Marie Gilbert, dans son ouvrage Description historique de la basilique métropolitaine de Paris, page 135,  édition de 1821, 448 pages, ou en 1797 selon Viollet-le-Duc (1814-1879) dans son Encyclopédie d’architecture page 445, volume 9, édition de 1861.


Sur ordre de la Commission révolutionnaire, en 1793, la flèche de la Sainte-Chapelle vient d’être abattue, car habillée de fleurs de lys, symbole monarchique désormais interdit dans l’espace public. À Notre-Dame la situation est différente : la flèche n’a pas de fleurs de lys mais elle s'incline. A son sommet le coq est en déport vers le sud-est de plus d’un mètre vingt de son axe vertical.

 

Cette ancienne flèche est-elle la flèche d’origine ?

 

La cathédrale, dès sa construction, est pourvue d’une flèche, comme il est d’usage à l’époque dans de nombreux bâtiments en France, que ceux-ci soient cathédrale, simple église ou demeure royale.

Les illustrations figurant sur les manuscrits enluminés du duc Jean de Berry (1340-1416) le montre clairement. Cependant, une chose est sûre : il n’est pas possible que la flèche démontée à la Révolution soit celle d’origine. En effet les affres du temps interdisent une telle pérennité. La fureur météorologique, conjuguant les incendies dus à la foudre et les tornades destructrices, vient inexorablement à bout des meilleures constructions. L'entretien forcément défaillant au fil des siècles car les ressources financières sont très aléatoires, facilite le pourrissement de la structure bois de la flèche dû à l’effritement des revêtements de plomb soumis aux réactions chimiques du tanin du bois.

La flèche de Notre-Dame est représentée au fil du temps dans différents manuscrits enluminés, comme le livre d’heures (de prières à dire au fil du jour), au folio 51, du duc Jean de Berry (1340-1416) (musée de Chantilly) ainsi que le livre d’heures d’Etienne Chevalier La main droite de Dieu protégeant les fidèles des démons (1452-1474) (Metropolitan Museum of Art, New-York), grand argentier de France. Plus tard, en 1485, le manuscrit Pontificale Romanum, pars II, d’Agostino Patrizi Piccolomini (Bibliothèque Nationale de France) comme la peinture à l’huile sur bois de l'école flamande, vers 1530, (musée Carnavalet) L’enfant prodigue chez les courtisanes.

 

 

1- Etienne Chevalier 2- Duc Jean de Berry 3- Agostino Piccolomini 4- école flamande : Un manuscrit de la British Library Harley MS 4379 figure la cathédrale Notre-Dame avec sa flèche, vue de face entre les deux tours. Son étage à jour, l’étage campanaire, apparaît avec ses faces surmontées de pinacles, ce que ne montrent pas les autres enluminures. Daté du XVe siècle cette enluminure illustre l’arrivée de la reine Isabeau de Bavière à Paris en 1389, selon les Chroniques de Jean Froissart.
1- Etienne Chevalier 2- Duc Jean de Berry 3- Agostino Piccolomini 4- école flamande : Un manuscrit de la British Library Harley MS 4379 figure la cathédrale Notre-Dame avec sa flèche, vue de face entre les deux tours. Son étage à jour, l’étage campanaire, apparaît avec ses faces surmontées de pinacles, ce que ne montrent pas les autres enluminures. Daté du XVe siècle cette enluminure illustre l’arrivée de la reine Isabeau de Bavière à Paris en 1389, selon les Chroniques de Jean Froissart.

 Isabeau Paris - British Library MS 4379, arrivée de la reine Isabeau à Paris. CCO Wikipedia.
 Isabeau Paris - British Library MS 4379, arrivée de la reine Isabeau à Paris. CCO Wikipedia.

 La cathédrale a donc au fil du temps une flèche dressée à la croisée de ses transepts. Cependant la rigueur des figures peintes est relative et Notre-Dame est généralement vue de face. Vers 1650, le graveur lorrain Israël Sylvestre (1621-1691) conseiller du roi dans son Académie de Peinture, réalise plusieurs vues de Notre-Dame, dont Veuë de l'Hostel de ville, et de la place de greve (Bibliothèque Stanislas de Nancy). Viollet-le-Duc s’inspirera de ses gravures pour sa flèche néo-gothique.

 

 

Flèche de Notre-Dame, vers 1650. Autres gravures d'Israël Sylvestre, détail.                                                                      © Bibliothèque publique Stanislas de Nancy.
Flèche de Notre-Dame, vers 1650. Autres gravures d'Israël Sylvestre, détail. © Bibliothèque publique Stanislas de Nancy.

La flèche a un étage ajouré au dessus du niveau de la toiture. Huit ouvertures sont représentées, correspondant aux quatre faces visibles de l'octogone, chaque face étant dédoublée par une fenêtre géminée.

Ces vues d’artistes restent approximatives, la cathédrale n’étant pas le thème principal de la composition mais un point de détail ou un fond de carte pour asseoir géographiquement la représentation. Cependant, la deuxième gravure d’Israël Sylvestre, à droite sur ce photo-montage, révèle un détail d'architecture très important : l’angle rentrant sud-est de la croisée des transepts, nommé en charpente la noue. Le graveur trace plusieurs traits verticaux à l’emplacement de la noue, alors qu’un seul trait représentant la rencontre des deux toitures aurait suffit.

Plus tard, en 1769, Nicolas Raguenet peint le chevet de la cathédrale, comme Israël Sylvestre. Nous ne sommes plus qu’à vingt cinq ans de la destruction de la flèche. Sa peinture montre une noue en relief, comme si elle était saillante. L’étage campanaire, à la hauteur des toits, est représenté totalement ouvert, sans bardage à son niveau inférieur.

 

 

Le Chevet de Notre-Dame et la Pointe occidentale de l'Ile Saint-Louis, Raguenet, Nicolas Jean-Baptiste, Peintre, 1769, Musée Carnavalet, Histoire de Paris, P276, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Le Chevet de Notre-Dame et la Pointe occidentale de l'Ile Saint-Louis, Raguenet, Nicolas Jean-Baptiste, Peintre, 1769, Musée Carnavalet, Histoire de Paris, P276, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

 Quelle est la signification de cette noue saillante ? Pour comprendre regardons une photo prise vers 1850, technique alors novatrice, de Notre-Dame au même angle sud-est.

 

Notre-Dame vers 1850, croisée des transepts surmontée d'un chapeau de plomb. © MPP
Notre-Dame vers 1850, croisée des transepts surmontée d'un chapeau de plomb. © MPP

Israël Sylvestre et Nicolas Raguenet ont noté ce détail particulier et l’ont représenté à leur façon.

Normalement, le croisement des deux toitures forme un angle rentrant. Or, ici, l’angle se décompose en deux angles rentrants entourant un angle saillant. Sous cet angle saillant un élément de charpente, un arêtier, est posé sur l’angle des deux murs et monte en oblique, avec une pente plus élevée que les noues, vers le faîtage. L’arêtier est une poutre longue de plusieurs mètres.

Est-ce quelque chose d’unique en charpente, un cas d’école réservé à Notre-Dame.? Non. L'église de la Madeleine à Troyes, par exemple, qui n’est ni une cathédrale ni même un grand édifice se présente actuellement de la même manière.

 


Eglise de la Madeleine à Troyes, 2023. Départ de flèche tronqué.  © Christian Dumolard
Eglise de la Madeleine à Troyes, 2023. Départ de flèche tronqué.  © Christian Dumolard

 

Sa croisée des transepts était couronnée d’une flèche. Dans son ouvrage de 1854 Comptes de la fabrique de l’église Sainte Madeleine à Troyes Alexandre Assier indique qu’en 1718 « cette église était surmontée d’une flèche d’une hauteur considérable au milieu de la croisée ». Ces arêtiers, situés aux quatre angles de la croisée, permettaient un meilleur épaulement de la flèche.

Sur cette photo la flèche n’existe plus. Seule une calotte métallique ferme l’ouverture. En effet en 1876 « les chanoines ont décidé qu’il était mieux de la démolir que de la réparer » Léon Pigeotte, 18..-1894, Le grand clocher de la cathédrale de Troyes et notice historique, Troyes, 1877.

 

Nous retrouvons à Notre-Dame de Paris, sur cette photo de 1850, une cathédrale démunie de sa flèche mais qui en a gardé les soubassements sous la toiture.

Ces soubassements sont-ils ceux de la flèche originelle ?

Viollet-le-Duc explique : « On vient de rétablir cette flèche en charpente qui datait du commencement du XIIIe siècleainsi que le démontrait de la manière la plus évidente la sculpture qui décorait la base du poinçon sous la couverture. Ce fragment a été conservé. Les gravures d’Israel Sylvestre, le plan de Gomboust et celui de Mérian nous ont conservé l’aspect de la flèche centrale…. » 1. Enfin, un dessin de Garneray conservé par l’architecte Lassus représente la partie de la flèche au dessus des faîtages.


1- Les gravures de Gomboust et Mérian sont consultables dans "L'Atlas des anciens plans de Paris" (Paris, bibliothèques patrimoniales en ligne).

 

 

Viollet-le-duc définit ce qu’est la flèche d’un édifice : celle-ci doit être en bois et reposer uniquement sur les quatre angles de la croisée des transepts. Les dômes pointus, pyramidaux, solidement appuyés sur les murs de tours en pierre, comme les tours nord et sud de la cathédrale de Chartres, ne sont pas au sens strict des flèches.

Selon sa définition les flèches se composent de trois parties : la souche, l’étage à jour ou étage campanaire et la pyramide ou flèche.

La souche est la structure en bois qui prend appui sur les quatre angles des murs, à la croisée des transepts. Elle est invisible de l’extérieur et monte jusqu’au niveau des faîtages, le sommet de la toiture. Là, un plan octogonal en bois est aménagé dans le prolongement de la souche. Cet étage porte les cloches et s’appelle étage campanaire ou étage à jour, car ce plan s’élève sans paroi fermée pour mieux entendre le son des cloches. Cet étage, qui s’appelle également l’octogone, a huit fenêtres géminées, chacune étant chapeautée d’un pinacle. Derrière ces pinacles commence la troisième partie, la flèche ou pyramide, structure de bois recouverte de tuiles en bois ou en ardoise ou en plomb. Elle s’élance le plus haut possible et se termine par une croix surmontée d’un coq, girouette contenant des reliques mises comme protection contre les tempêtes et les foudres.

 

En 1788 la flèche penche dangereusement.

 

La flèche de la cathédrale penche vers l’angle sud-est. C’est une catastrophe annoncée, une chute prévisible sur les toitures de la cathédrale et de la sacristie. Quelle décision vont prendre les chanoines de la cathédrale ? Lisons leur registre capitulaire, conservé depuis la Révolution aux Archives Nationales.

Le registre capitulaire du 4 juin 1788 indique :


« Die mercurii quarta mensis Junii 1788

… Sur le rapport fait par Monsieur Radix chanoines, l’un de Messieurs les Intendans de la fabrique, que le mauvais état des plombs, charpente et couverture du clocher, dans sa partie supérieure à celle qui a été réparée en 1784, demandait toute l’attention du chapitre, et qu’il pouvait être dangereux de différer plus longtemps de s’en occuper ; Messieurs, après en avoir délibéré, ont nommé le sieur Antoine Architecte du Roy et les sieurs de Guerne charpentier de la ville et Francastel charpentier des menus, à l’effet de procéder, conjointement avec le susdit sieur Varsy et le sieur Maheu charpentier du chapitre à une visite complète dudit clocher, de laquelle il sera dressé procés verbal, avec devis des réparations et autres dépenses y relatives le plus etendu qu’il sera possible, pour le tout être rapporté à une chambre qui sera tenue à cet effet, et sur le rapport de ladite chambre être statué par le chapitre ce que de raison. »

 

Précisons ce qu’est un registre capitulaire.


Les chanoines se réunissent plusieurs fois par mois pour examiner ensemble les aspects religieux et matériels du fonctionnement de la cathédrale ainsi que ses biens associés, immobiliers, redevances, locations et autres… A chaque réunion est tenu le registre capitulaire, un livre, portant la date du jour, en latin, le nom des membres présents, une trentaine pour la période concernée. Viennent ensuite, écrit aussi en latin, des considérations sur des personnes, des ecclésiastiques, des fêtes religieuses à organiser. C’est le temps cultuel. Viennent ensuite, écrit en français, les considérations matérielles. Ici, il s’agit de l’examen de l’état du clocher. Le registre est tenu avec le plus grand soin. Il n’y a pas une seule rature, l’écriture est régulière, belle, bien tracée. Si une ligne n’est pas remplie, un trait horizontal comble ce vide, empêchant un rajout ultérieur. Les rajouts sont portés dans la marge à gauche, avec une coche spéciale sur les mots concernés dans la page courante. C’est un travail de professionnel, effectué sans doute par un greffier. Dans ce registre seules sont portées les décisions ou des actions à effectuer, comme des paiements, les commandes de travaux. C’est un document de maître d’ouvrage, dirait-on aujourd’hui.

Malheureusement pour l’historien, les débats internes ne sont pas retranscrits. Ils auraient permis de retracer les débats, les hésitations, les choix, voir les non-choix.

Qui sont les cinq personnes mentionnées dans cet extrait de registre ?

Trois des cinq sont extérieures au cercle habituel des chanoines : Antoine, l’architecte du Roy, Guerne, charpentier de la ville de Paris et Francastel, charpentier des Menus ; traduisons petits ouvrages, de la menuiserie.

Les deux autres personnes sont directement impliqués dans les décisions habituelles du chapitre. Varsy est « l’inspecteur expert des bâtimens du chapitre ». Il les connaît tous. Pierre Maheu, « Maître charpentier », travaille pour le chapitre. En cet été 1788 il est en train de reconstruire la maison du chapitre rue Bourg-l’abbé, à Paris.

 

Ces cinq personnes doivent « procéder conjointement à une visite complète dudit clocher, de laquelle il sera dressé procés verbal, avec devis … pour être rapporté à une chambre (une réunion) qui sera tenue à cet effet … et être statué par le chapitre ce que de raison ». L’expression « ce que de raison » est une expression habituelle dans les pages du registre. Ces personnes procéderont conjointement, mais séparément dans le temps.

 

La première expertise est menée par les personnes extérieures au chapitre, Antoine, charpentier du Roy, Guerne et Francastel, charpentiers. Guerne et Francastel commencent cette expertise le 12 juin 1788 et l’achèvent le 19 juin. Un procès verbal de trois pages assorti de plans de la charpente du clocher est rédigé par les deux charpentiers, validé cinq jours après par Antoine, le charpentier du Roy, par un autre rapport qui reprend leur conclusion.

Le registre capitulaire est muet sur la raison du choix de ces trois personnes, mais assurément le choix du charpentier du Roy, membre de l’académie, permet d’avoir un avis à l’autorité indiscutable. L’affaire est d’importance.

 

Avant de lire le rapport, découvrons le dessin de cette flèche par le plan dressé lors de la première expertise de juin 1788, sa hauteur, sa structure.

 

Plan de la flèche relevé par les charpentiers Guerne et Francastel en juin 1788. © Archives Nationales, cote SB496
Plan de la flèche relevé par les charpentiers Guerne et Francastel en juin 1788. © Archives Nationales, cote SB496

En additionnant la hauteur des différentes parties cotées à droite du plan, nous obtenons 34,2 mètres de hauteur du dessus des toitures, mesurée de l’enrayure V sur le plan jusqu’au haut du coq. Par comparaison la flèche de Viollet-le-duc est donnée pour 44,5 mètres par Fonquernie (1934-2023) dans son article sur les charpentes, dans Notre-Dame de Paris, édition de la Nuée Bleue, page 53.

Les unités de mesure s’expriment en pieds, pouces, lignes, en système duodécimal. Le système métrique n’est pas encore inventé. Par exemple la hauteur entre la Ve et la VIe enrayure est notée 11 pieds 2 pouces, ce qui correspond à 3,63 mètres.

En bas du plan, la souche monte en triangle jusqu’à une ligne horizontale rouge marquant le haut des toitures, les faîtières. Des poutres horizontales, les enrayures, forment comme des étages successifs. L’enrayure est un ensemble de rayons de bois formant un octogone, à un étage donné. La totalité des quinze enrayures de cette flèche assure la cohésion et la stabilité de la structure entière.

La première enrayure, notée I sur la droite du plan, a une particularité : elle n’est pas horizontale mais légèrement bombée en son centre afin de lui assurer une résistance au fléchissement au fil du temps. Cette particularité semble si importante qu’elle a été reprise par Viollet-le-duc et son équipe de charpentiers en 1859 et reprise également en 2024 lors de la reconstruction de la flèche suite à l’incendie de 2019 par les architectes Philippe Villeneuve et Rémy Fromont. Ces poutres sont de forte section, 33 par 38 cm. Elles sont les entraits des deux fermes diagonales posées sur la croisée des transepts.

Cette souche est constituée de cinq enrayures. Celle de Viollet-le-duc n’en comportera que trois. Ces enrayures s’accrochent en leur milieu au poinçon central d’une section de 30 par 33 centimètres, et à leur périphérie aux poutres montantes. Une de ces poutres, l’arbalétrier, prend appui sur un des deux bouts de l’entrait et monte jusqu’au centre de la Ve enrayure pour épauler le poinçon. Sa section est de 27 par 30 centimètres. Plus bas, une autre poutre de même section posée à la naissance des voûtes monte supporter également le poinçon de la Ve enrayure. Une troisième poutre oblique, plus haute sur ce plan qui ne nous montre pas son appui bas, épaule la partie extérieure de l’octogone à la Ve enrayure. C’est l’arêtier qui forme la noue saillante dont les gravures ou peintures témoignent. Sa section n’est malheureusement pas cotée.

Ce plan ne renseigne que la moitié de l’une des deux grandes fermes diagonales, la première étant orientée du nord-ouest au sud-est de la croisée des transepts, la deuxième allant de l’angle nord-est à l’angle sud-ouest de la croisée. Les plans auraient dû ou pu relever les deux grandes fermes car elles ne sont symétriques ni dans leur longueur, ni dans la hauteur de leur appui selon les angles de la croisée, ni dans les rajouts et modifications sur celles-ci au fil du temps. Par contre les plans de Maheu et Varsy les font figurer.

L’étage campanaire monte jusqu’à la IXe enrayure. Celle dernière est représentée penchée, révélant un problème de structure. Un arbalétrier partant de l’enrayure V monte épauler le poinçon. Sa section, non cotée, est petite. Sur la peinture de Nicolas Raguenet, vue plus haut, les enrayures VI, VII et VIII sont visibles, formant un seul étage ajouré. Cette peinture de 1769 est conforme au plan des charpentiers de 1788.

Au dessus de cet étage la pyramide, ou flèche proprement dite, s’élance depuis l’enrayure VIII sur plus de 23 mètres de haut jusque sous la boule tenant le coq. Il faut rajouter 3,6 mètres pour arriver sur celui-ci. L’étage campanaire finit à la IXe enrayure, il porte vraisemblablement des pinacles décoratifs masquant le début de la flèche.

Cette flèche a une particularité ; ses huit faces ne sont pas planes mais comme plissées vers leur milieu. La toiture a ainsi huit angles saillants et huit angles rentrants ou noues qui montent vers le coq. Cet aspect donne à la flèche une impression de légèreté visuelle. Vue du dessus, elle est en étoile. Par comparaison les flèches de la Sainte-Chapelle de Paris et de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, reconstruites par le gâcheur Georges, compagnon du Devoir de Liberté, le même compagnon qui refait la flèche de Viollet-le-duc en 1859, ont une surface plane, non incurvée vers leur centre leur donnant un aspect lourd, comme également la flèche de la cathédrale d’Amiens, aujourd’hui la plus vieille de France et refaite au XVe siècle, dont la flèche est à faces planes. La flèche de Notre-Dame est exceptionnelle quant à la conception de ses huit pans étoilés. La quasi totalité des flèches médiévales ayant disparues, il n’est pas possible d’affirmer qu’elle fut la seule. Aujourd’hui une autre flèche, plus haute que celle de Paris, a une structure en étoile, l’église Saint Bégnine de Dijon, mais sa reconstruction date de 1894.

Maheu et Varsy, dans la deuxième expertise, expliquent le plan de la onzième enrayure :  « onzième enrayure formant la noue au niveau de laquelle le plan de la flèche forme huit épics ; les lignes ponctuées à l’extérieure indiquent le plan de la 5e enrayure et le couronnement des huit croisées. »

Viollet-le-duc reprend cette idée d’une flèche à paroi plissée alors que cette flèche est démontée avant sa naissance et que nul historien ou illustrateur n’en parle explicitement. Comment l’idée lui est-elle venue ? A-t-il eu connaissance des expertises menées en 1788, même s’il ne les évoque pas ? La question est sans réponse, mais sans doute a-t-il vu ce plan de la onzième enrayure.

 

Il est alors possible d’affirmer que la flèche de Viollet-le-duc est une réplique visuelle fidèle de la précédente et non pas une interprétation libre et inventée, voire fantasmée, comme certains critiques l’ont écrit, du monde gothique. Cette constatation est importante.


Onzième enrayure, plan de Varsy et Maheu © Archives Nationales, cote SB496
Onzième enrayure, plan de Varsy et Maheu © Archives Nationales, cote SB496

Arrêtons-nous un instant sur cette enrayure et ses cotes. Chaque portion de l’octogone est cotée en en pieds, pouces, lignes, révélant son irrégularité. Son côté le plus long est de 2,08 mètres, le plus court de 1,62 mètre. C’est la conséquence de la déformation de la croisée des transepts dont les côtés sont inégaux, formant un trapèze irrégulier de 12,80 mètres à l’est, de 14,86 mètres au nord, de 14,70 mètres au sud et 13,02 mètres à l’ouest.

Cette situation impose au gâcheur de faire huit épures pour l’octogone, au lieu d’une seule répétée huit fois. Cette flèche est le fruit d’un gros travail d’étude pour tracer les bois et les couper, comme le fut ensuite la flèche de Viollet-le-duc.

 

Sur le plan notre œil voit tout de suite le dévers du sommet de la flèche, clairement indiqué et mesuré. Lisons la première expertise dont le texte intégral, ici, respecte la graphie du manuscrit. Si les termes de charpente rebutent le lecteur, les conclusions suivent à la fin du texte.


Début du rapport des charpentiers mandatés par le Chapitre Notre-Dame. © Archives Nationales, cote SB496
Début du rapport des charpentiers mandatés par le Chapitre Notre-Dame. © Archives Nationales, cote SB496

« Nous soussignés Guerne et Francastel Maitre charpentier du Roy

et de la ville ; nous sommes rendu le 12 du présent mois (mois de juin) en la maison de Monsieur l’abbée Rabix conformément à la lettre qui nous a étés adressée de la part des Mrs du chapitre Nôtre Dame par M. Barbier en date du 7. du présent mois, où nous reçumes un pouvoir verbal de faire la visite de la flèche, d’en constater la situation par des plans et élévation, joints à un rapport : en fait de quoi nous nous sommes transportés sur les voûtes de l’Église, dans la charpente du comble, ainsi que dans la flèche, après avoir pris une première connaissance de sa situation, nous avons remis à une autre vacation les opérations à faire pour en constater le déversement, l’inclinaison et le surplomb. La vacation finie nous avons pris parole pour le samedy ensuite après midy.

Le dit jour 14 juin après midy nous avons mesurés les différentes enrayures tant de la jonction de la croisée du comble que celle de la flèche jusqu’à la 15e enrayures, les autres étant impraticables, nous avons figuré les plans des dites enrayures, les élévations des fermes et de la flèche, dont nous avons collés les dimensions et les principales grosseurs des bois.

Le lundi 16, par suite d’opération nous avons plombés intérieurement le poinçon de la flèche sur ses faces par lignes d’emprunt, comme il est figuré sur les plans et élévations, devan servir de comparaison aux aplombs a faire de l’extérieur.

Le mercredi 18 du présent (mois), nous avons procédés aux opérations nécessaires pour constater la hauteur de la flèche au moyen d’un quart de cercle que nous avons établi à 3ˮ 10 p 1/2 (3 pieds 10 pouces et demi, soit 1,26 mètres) de l’éloignement du centre du poinçon ; sur la galerie entre les deux tours du portail, dans le niveau s’est trouvé de 4 ˮ (pieds) 5 pd (pouces) 9 lig(lignes) (1,46 mètre) plus élevé que l’enrayure au niveau des faitages ; nous avons ensuite plombé la ditte flèche par son centre et nous avons trouvés que son inclinaison formait une courbe dont le sommet surplombait de 4 ˮ (pieds) 4° (pouces). 6 li (lignes) côté du midy (1,43 mètre).

Et ensuite nous avons examiné la construction des fermes diagonales. Des fermes quarrées forman la réunion des nouës et arretiers de la croisée de l’Église. Nous les avons trouvé en bon état, nous avons vu que deux des angles coté du midy ont été renforcées par des doubles arbalétriers qui paraissent avoir été remis après coup.

Nous sommes assurés que cette partie d’assemblage ne peut avoir souffert de tassement, ayant observé que le poinçon du milieu de la croisée est isolé d’un pouce 6. lignes (4 cm) des entraits, et est suspendu par les quatre doubles arbalétriers des fermes diagonales ;

Nous avons aussi remarqué que dans cette charpente il y a très peu de fer et nous présumons que ce qui en existe a été mis après coup, attendu que toutes les moises de la construction primitive sont retenues avec des clefs de bois. En suivan la construction de laditte charpente, jusqu’à la hauteur de l’enrayure au niveau des faitages du grand comble de l’Église, nous avons trouvé toute cette partie en bon état.

 

Ensuite étant monté de la sus dite enrayure au niveau des faitages sur laquelle est placée le beffroi des petites cloches, nous avons recherché les vestiges de l’ancienne construction qui semblent annoncer que la piramide de la flèche prenait sa base à la hauteur de la ditte enrayure et se continuait jusqu’au sommet de la flèche.

Nous avons dans cette partie aperçu que les arrestiers et arbalestriers se trouvent en partie consommés par la  pourriture, que le poinçon et plusieurs d’entre eux sont antés au dessus de la ditte enrayure.

Nous avons aussi vûe qu’il avait été fait une réparation et que l’on avait cherché à consolider le bas de laditte flèche par des doublis en chanlattes (pièces de bois en biseau en bas de toiture, recouvertes d’une feuille métallique formant isolation contre les eaux) formant des caissons qui enferment les huit anciens arretiers et forment un espèce de campanil d’un plan octogonne, composé de hui pilastres, huis bages (baies?) fermés par des persiennes et couronnées par huis petits frontons gotiques ; cette reconstruction se trouve consolidée en elle même par deux enrayures neuves qui embrassent l’ancien poinçon laquelle construction a jusqu’à la hauteur de sa dernière sablière 16. p, 1/2 d’élévation (5,39 mètres) les frontons qui couronnent les huis bages ont 8 pd 1/2 (2,77 mètres) aussi d’élévation.

 

Il parait que (pour) pouvoir la placer (la flèche) on a été obligé de couper une partie des arretiers qui vraisemblablement se sont trouvés défectueux, de couper également une partie des embranchements des anciennes enrayures, ce qui a considérablement altéré la solidité de la ditte flèche en suprimant les bois principaux qui en contrebuttaient le devers à la base.

 

Etant monté sur la dernière enrayure neuve ci devans mentionnée nous avons trouvé qu’elle était composée de huis embranchements forman moises en abou contre le poinçon déjouttées les unes contre les autres, et travées par les bouts extérieures en porte à faux sur les sablières hautes de l’octogonne à plomb du milieu des bayes (baies) cy devant dittes dont l’écartement est retenu aux sablières par un double harpon, et à coté du poinçon par des plattebandes coudées sur le plat ; les embranchements de laditte enrayure reprennent les anciens arbalestriers, dont il a été cy devan parlé à la hauteur où ils ont été coupés et leur servent d’entrait ; les enrayures anciennes au dessus de celles cy dessus désignées se trouvent coupées dans œuvres au pourtour, les bois sont en très mauvais état et soutenus par huit petites trevatetes.

A commencer au dessus de la dite enrayure, nous avons reconnu que celles qui lui est supérieurs est dans le plus grand délabrement, que parties des bois sont pourris et tombés, que les embranchements en partie coupés dans œuvres ne tiennent en rien avec la nouvelle construction, que la onzième enrayure au dessus de celle susdite aussi de l’ancienne construction forme la noüe, et se trouve à la rencontre des noues et noütetes de la nouvelle construction, que les huit anciennes noues viennent tomber a cul nue sur les dits noües et que le roulement de cette portion de la fleche est principalement tenue par quatre arbalétriers qui se réunissent au poinçon à la hauteur de la onzième enrayure, lesquels arbalétriers n’ont que 5. es 6° (14 et 16 cm) de grosseur et ne sont que très peu entretenus par les enrayures attendu leur peu de solidité.

Dans le reste de la construction de la flèche à l’égard des parties où nous avons pu parvenir, c’est a dire jusque sur la 15° enrayure de l’ancienne construction, nous avons trouvé plusieurs des nouës et arrestiers pouries a l’extérieur, les bois n’ayan originairement que 4, a 5° de grosseur (11 à 14 cm), ce qui en reste a très peu de consistance.

D’après quoy nous présumons que les parties au dessus dans lesquelles nous n’avons pu passer ne sont pas meilleur.

Nous avons encore observé que le pourtour de la flèche sur environ 9 pieds de hauteur (2,93 mètres) a été couvert provisoirement en toille ce qui n’empêche pas les eaux pluviales de s’introduire dans l’intérieure, et contribue beaucoup au dépérissement des bois, nous avons même été témoin de leur effet à notre vacation du 16 du présent mois, où nous avons vu leurs chutte se continuer avec assez d’abondance sur les vouttes et se perdre dans les reins.

D’après cet examen nous affirmons que cette flèche qui a 88 pieds de hauteur de dessus les faitages (28,64 mètres) jusque dessous la boule, sur 16 p(ieds) 6 p(ouces) de diamètre à sa base (5,37 mètres), et environ 18 ° (0,49 mètre) de diamètre sous la boulle, et qui a pris une inclinaison de 4.p, 4.p. 6 l (1,43 mètre) du côté du midy ne peut subsister dans cet état.

La nouvelle construction n’estant qu’un revestement ne consolide en rien la base de la flèche puisqu’elle a déjà suivie son inclinaison, nous sommes persuadés qu’il n’y a aucun moyen de contreventer ladite flèche, sans augmenter les nombre des porte à faux qui chargeraient d’autant de  plus la charpente du dessous, qu’elle aurait besoin d’être soulagée nous sommes même très convaincus que la pesanteur serait réduite à un tiers de moins dans une nouvelle construction.

 

En foy de quoy nous avons terminé le présent rapport en y joignans les plans et élévations de la flèche

A Paris ce dix neuf juin mil sept cen quatre vingt huit. (19 juin 1788)

Guerne            Francastel      (signatures) »

 

 

Les charpentiers Francastel et Guerne constatent le fléchissement de la flèche. Ils inscrivent :

"Elévation de la flèche prise dans la ligne diagonale de la croisée de l'église suivant son inclinaison en comparaison de ce qu'elle serait si elle était dans son aplomb (le grand axe diagonal nord-ouest sud-est )."

 

Plan en coupe de la flèche établi par Guerne et Francastel en juin 1788. Détail. © Archives Nationales, cote SB496
Plan en coupe de la flèche établi par Guerne et Francastel en juin 1788. Détail. © Archives Nationales, cote SB496

Le rapport mentionne un renforcement des arbalétriers au côté sud de la souche, le côté du fléchissement de la flèche.

Ils remarquent une faible présence de fer (bandes métalliques plates vissées ou boulonnées sur des poutres pour les renforcer). La souche est assemblée par des « clefs de bois », chevilles et autres, qui assurent la fixité des assemblages. Ceci prouve l’ancienneté de cette souche, que Viollet-le-Duc date du XIIIe siècle.

La souche de la flèche est donc en bon état. Cette partie originelle a tenu plus de 500 ans comme une grande partie des charpentes de la nef.

Le plan indique les sections des bois de la ferme diagonale, composée des ses deux arbalétriers, qui donnent la pente au toit, qui se posent et s’attachent sur les extrémités d’un entrait, poutre horizontale traversant la largeur de la nef au dessus des voûtes, évitant ainsi que les poussées sur les arbalétriers écartent les murs jusqu’à leur rupture. La ferme diagonale désigne les deux fermes posées en diagonales sur les quatre angles de la croisée des transepts. La première part de l’angle nord-ouest et va au point opposé, à l’angle sud-est. La deuxième part de l’angle nord-est et se termine à l’angle sud-ouest. Les chiffres sont exprimés en pieds, l'unité de mesure sous l'Ancien Régime. L’entrait de la ferme diagonale a la plus grosse section, 12 pieds par 14, soit une section de 35 par 40 cm. La section de l'arêtier est de 22 par 27 cm.


La cinquième enrayure sert d’assise au beffroi, structure de bois portant les cloches. Là les charpentiers recherchent les vestiges d’une ancienne construction ; si la souche est vraisemblablement d’origine, ce qui est au dessus des toitures ne l’est pas. La pyramide qui monte en pointe jusqu'au coq démarrait dans un temps ancien à la Ve enrayure. La structure donc a été  modifiée pour porter des cloches.

En conséquence il faut se  demander combien de flèches ont pu être édifiées, démolies, puis réédifiées sur le même monument. Ce n’est pas de la totalité de l’ouvrage dont il s’agit mais d’une partie seulement. Nous verrons plus loin un événement catastrophique qui illustre cela.

Cette constatation est importante et signifie que seule une pointe de flèche émergeait au dessus des toitures, sans beffroi ni cloches à l'origine.


A cet étage Guerne et Francastel constatent que la « pourriture » a consommé les bois, notamment les principaux, les arêtiers et les arbalétriers, et qu’une réparation a déjà été tentée sur ce beffroi qui fut rajouté après coup sur la souche d'origine.

Des modifications gravissimes de la structure ont été menées antérieurement, la fragilisant dangereusement. A quand remontent ces modifications ? Il est logique de penser que cette flèche fut endommagée par les vents ou la foudre et que des interventions aient dû avoir lieu.

Dans son ouvrage de 1821 Description historique de la basilique métropolitaine de Paris, ornée de gravures Antoine Pierre Gilbert relate une catastrophe survenue en 1606. La croix est abattue par une tempête. Une nouvelle est remise en place et une boite en plomb de 10 cm contenant quelques parcelles de reliques inconnues est insérée dans le coq, selon l'usage, avec la mémoire de l'événement inscrit sur parchemin :

« L’an mil six cens six, le lundi de la Feste de Pasques XXVIIe jour du mois de mars, cette Croix fut du tout abattue et renversée par l’impétuosité des vents qui furent forts grands et impétueux ce dict jour ; ce qui advint principallement faute du poinsson de bois qui fut trouvé du tout pourri et gasté, lequel a été remis et posé de neuf, et la dicte Croix refaicte, et icy remise et posée le Samedi premier jour de juillet au dict an mil six cen six, régnant Henry IIII. Roy de France et de Navarre, Messire Henry de Gondy Evesque de Paris, et de Mr. Adrian le Febure et Jacques Fouyn Chanoines de Fabricians de la dicte Eglise. Le tout faict et restabli aux frais et dépens de la Fabricque de l’Église. »

L'auteur Gilbert précise : "Cette flèche contenait six cloches, dont quatre très estimées par leur harmonie, servaient, conjointement avec celles des deux tours, pour annoncer l’office divin. Ces quatre cloches avaient été fondues sous le règne de Henri II comme l’indiquait le monogramme de ce prince et de Diane de Poitiers". Nous pouvons comprendre que la modification si désastreuse de la flèche ait pu se faire à cette occasion, dans les années 1550 environ. Notons que la croix fut abattue par les vents car le poinçon la supportant était "tout pourri et gasté".

 

L'expertise de Guerne et Francastel pointe également la faiblesse de la section des arbalétriers, 14 par 16 centimètres, qui partent de la VIIIe enrayure, le sommet du beffroi, épauler le poinçon sous la XIe enrayure. La flèche n'est même plus étanche, la pluie s'introduit à l'intérieur et mouille les voûtes : "Nous avons encore observé que le pourtour de la flèche sur environ 9 pieds de hauteur (2,93 mètres) a été couvert provisoirement en toille ce qui n’empêche pas les eaux pluviales de s’introduire dans l’intérieure, et contribue beaucoup au dépérissement des bois, nous avons même été témoin de leur effet à notre vacation du 16 du présent mois, où nous avons vu leurs chutte se continuer avec assez d’abondance sur les vouttes et se perdre dans les reins."

 

La conclusion du rapport est sans appel, suivie de la signature des deux charpentiers, le 19 juin 1788 : "D’après cet examen nous affirmons que cette flèche qui a 88 pieds de hauteur de dessus les faitages (28,64 mètres) jusque dessous la boule ... et qui a pris une inclinaison de 4.p (pieds), 4.p (pouces) 6 l (lignes) (1,43 mètre) du côté du midy ne peut subsister dans cet état."

 

Ce rapport est suivi une semaine plus tard, le 24 juin 1788, d'un autre rapport, rédigé par M. Antoine, signant comme Architecte du Roy et membre de son académie royale d'architecture :

 

« Avis sur l’État du Clocher de l’Église de Paris »

 

« Inclinaison sensible de la flèche du clocher établi sur la croisée de l’Église, se fait remarquer depuis de longues années, et peut avoir fait dans les derniers tems, des progrès plus rapides. Cette inclinaison se dirige vers le sud-est, et a été produite par la force du vent de nord et d’ouest.

 

La forme extérieure de cette flèche, présentant huis angles saillants, et un égal nombre de noües ou d’angles rentrant à pû remplir l’objet de la légèreté qui fait le caractère principal des construction gothiques, mais cette forme devait nécessairement augmenter considérablement les efforts des vents sur la dite flèche, en se trouvant resserrés dans les longs canaux formés par les angles saillant et rentrant dont on vient de parler ; une flèche qui n’aurait présentée que des angles saillants, et des surfaces lisses, n’aurait pas éprouvée les mêmes efforts, et il est présumable par nombre d’exemples, qu’elle aurait conservée son aplomb.

 

Le poinçon de la flèche dont il est question, ne s’est pas incliné dans une progression suivie, de la base à son sommet, il décrit une ligne courbe qui le précipite bien plus sensiblement dans sa partie supérieure, à prendre de la 12e enrayure jusque sous la boule (sous le coq), que dans toute sa partie inférieure.

 

Par les opérations consignées dans le rapport exact des sieurs Guerne et Francastel, du 19 juin, et par les figures qui sont jointes à ce rapport, le poinçon a été trouvé de 4 pieds 4 pouces 1/2 (1,43 mètre) hors de son aplomb, cependant à la hauteur de la 9e enrayure qui est à peu près le tiers inférieur de toute son élévation, le déffaut d’aplomb ne s’en trouve être que de 9 pouces 3 lignes (0,25 mètre), tandis que si l’inclinaison était progressive on l’eut trouvée à cette hauteur d’environ 17 pouces 6 lignes (0,48 mètre).

 

Au droit de la 12e enrayure, c’est à  dire à un peu moins que les deux tiers de la hauteur de la flèche le déffaut d’aplomb du poinçon est encore de 9 pouces 9 lignes (0,27 mètre), ce qui fait à cette hauteur 19 pouces (0,52 mètre) de déversement à compter de la base du clocher, représentée sur la coupe jointe au rapport comme la 5e enrayure : mais c’est dans la partie supérieure de la flèche qu’est le grand déversement, à partir de la 12e enrayure jusque sous la boule. Dans cette hauteur qui est un peu plus que le tiers de la hauteur totale, l’inclinaison est de 2 pieds 9 pouces 6 lignes (0,91 mètre), en sorte qu’elle est trois fois et demie plus forte dans le tiers supérieur, qu’elle ne l’est dans chacun des deux tiers inférieurs.


Indépendament de ce déversement considérable, qui seul rendrait difficile la réparation de cette flèche ; on y rencontre un obstacle absolu, dans la vétusté de plusieurs des pièces de charpente essentielles qui la composent, et dans la suppression qu’on a faite de la liaison que lui donnent les assemblages de plusieurs enrayures avec les noües et les arrêtiers, par les coupements et hachements qui ont été faits lorsqu’on à construit dans la base de cette flèche, le pan de bois octogone dont elle est enveloppée ; construction qui loin de consolider la dite flèche comme on a pû en avoir l’intention, à dû produire, et produit réellement l’effet contraire , car il ne paraît pas douteux que l’inclinaison de la flèche n’ait augmentée depuis la construction de ce pan de bois, puisque lui-même à perdu son aplomb, entrainé par les nouveaux efforts du déversement de la partie supérieure de la flèche.

 

La construction du pan de bois moderne dont on vient de parler, ne peut donc être d’aucun secours pour parvenir au redressement de la flèche puisqu’il a déjà lui-même cédé à ses efforts, et que pour l’établir on a désuni par des coupements, des forces multipliées auxquelles il n’a rien été substitué d’équivalent.

 

Dans cet état de choses, et ayant trouvé la charpente inférieure au plateau qui sert de base au clocher et qui en supporte tout le poids, dans le meilleur état de solidité et ingénieusement construite, persuadé qu’on tenterait vainement des moyens de redresser et de réparer la flèche dont il s’agit, vû tout ce qui vient d’être dit de son état de vétusté et de mutilation, encore plus frappant aux yeux qu’il ne peut l’être dans la description la plus circonstanciée ; il paraît indispensable de démolir et reconstruire en totalité la flèche à partir de la base sur laquelle est établi le clocher, en employant à la reconstruction des moyens solides, mais simples et propres à en diminuer le poids conservant toujours à son aspect extérieur la légèreté du détail et du style gothique de l’édifice, que toute autre forme, et tout autre genre de décoration rendraient disparate.

 

Fait et rédigé par nous architecte du roi, membre de son académie Royale d’Architecture, à l’hôtel des monnaies ce 24 juin 1788.


Antoine           (signature)

 

L'architecte précise clairement que la création du "pan de bois octogone", le beffroi, tardivement ajouté sur la souche a causé la ruine de l'édifice.

Sa lettre se termine par : « ... il paraît indispensable de démolir et reconstruire en totalité la flèche à partir de la base sur laquelle est établi le clocher. »

 

Cette première expertise des deux charpentiers et de l'architecte du Roy est remise aux chanoines du Chapitre de Notre-Dame, commanditaires de l'état des lieux de la flèche. La deuxième expertise, conjointe à la première comme demandé par les chanoines le 4 juin, est conduite par Varsy, « Inspecteur expert des bâtimens du chapitre » et Pierre Maheu, « Maître charpentier ». Ces deux personnes sont impliquées régulièrement dans la gestion des biens immobiliers du chapitre Notre-Dame, à la différence des personnes de la première expertise, complètement étrangères aux implications des décisions du chapitre.

 

Varsy et Maheu procèdent à un nouvel examen :


« L’an mille sept cent quatre vingt huit

le mercredi 16 juillet et jours suivans ; nous Pierre Maheu maitre charpentier à Paris pour remplir la mission qui nous a été verbalement donnée par Messieurs les Doyen et Chanoines du Chapitre de l’Église de Paris, nous sommes rendus avec M. Varsy Architecte Expert, inspecteur de leurs Batimens, en la forest du comble de leur Eglise à l’endroit où le petit clocher de la flèche qui le surmonte sont assis ; y étan cherchant a nous rappeller ce qui peut faire l’objet de notre mission, nous croyons qu’il s’agit de rendre compte au chapitre de l’état de la charpente de ce clocher depuis sa base inférieure jusqu’au sommet de sa flèche.

            De dire à fur et mesure que nous ferons la visitte de la ditte charpente ce que nous y observerons et remarquerons en général. Si cette charpente menace ruine ou non.

            Si les ouvrages que l’on y a fait ont pu nuire à sa solidité.

            S’il y a lieu en achevant les réparations encommencées.

            De prolonger la durée de ce clocher encore longues années, en quoi peuvent consister ces réparations et ce qu’elles pourront coûter.

            Voulant procéder à ce que dessus, nous avons commencé par lever les plans en coupe sur deux sens de la charpente du dit clocher et de sa flèche pour être joints à notre présent procès verbal.

            Après la mise au net des dits plans en coupe nous avons procédé à la visitte en commençant par les parties inférieures depuis la plateforme campanaire en contrebas jusques sur les murs où repose, où s’apuye la ditte charpente.

            Deux principales fermes composant quatre demie fermes prennent leur naissance et sont portées sur les murs aux quatre angles rentrans de la croisée de l’église et s’élèvent suivant leur construction pour soutenir et contrebutter le clocher, deux autres fermes en composans également quatre demies, suspendues et soutenues par des décharges qui renvoyent au près des quatre précédentes servans de contrefiches à la flèche, le tout lié et entretenu par des moises assemblées avec des clefs en bois, ainsi qu’il est figuré par les susdits plans en coupes cy joints annexés.

            Ayant visité et examiné à différentes reprises la ditte charpente, nous avons remarqué et reconnu qu’elle a éprouvé depuis sa première construction beaucoup de changemens, ce qui se manifeste par nombre d’entailles et de mortoises qui indiquent la place de grandes moises suprimées, substituées par d’autres moises posées d’une manière différente à l’effet de fortiffier et de consolider le dessous du dit clocher.

            Nous étant particulièrement attaché à vérifier l’état de cette charpente du côté du midy, nous avons trouvé que ce côté a beaucoup souffert, qu’il y a été fait de fortes réparations, que les deux grandes demies fermes a celle de l’angle du côté du Trésor, l’ancienne nouë en est tout à fait pourie et consommée, que le pied de l’arbalestrier étans dessous a été recoupé en haute, ainsi que le bout du tiran qui le reçoit : que pour consolider cette grande demie ferme on a formé une chaise en charpente sur la masse des murs où des renforts de la voute de la croisée sur laquelle vient reposer les pieds des deux forts arcboutans qui ont été posés pour fortifier et entretenir la ditte demie ferme à laquelle il sont liés par divers embrasures en boulons de fer.

            Que l’autre demie ferme du même côté du midy a également été fortifié mais d’une manière différente et plus compliquée.

            Nous avons encore remarqué que lors de la première construction de ce clocher, la rencontre des deux combles de la croisée ne formait que quatre nouës sur lesquelles venait reposer le pied des quatre poteaux de l’octogonne étant aplomb des quatre grandes susdittes demies fermes.

            Que lors des susdittes réparations faites aux deux susdittes grandes demies fermes pour pouvoir poser les susdits renforts, consolider et apuyer d’autant le dit clocher on a posé quatre arestiers relevés aboutissant au même niveau des quatre faitages à la plateforme campanaire ce qui a occasionné les huis nouës existantes au lieu des quatre anciennes, ce qui se manifeste par les paremens encore scultptés du pied des susdits quatre poteaux.

            Outre les susdits changemens cy dessus raportés occasionnés pour les réparations considérables faites à cette charpente, il en est d’autres dans le détail desquelles nous n’entrerons point par ce qu’ils ont tous eu la même cause et le même objet.

            Nous nous bornerons à dire que toute cette charpente depuis ses bases jusques à la susdite plateforme campanaire, au moyen des fortes réparations qui y ont été faites, est dans un état de solidité suffisant et nous ne pouvons douter que le déversement de la flèche ne vienne du mauvais état où se sont trouvés les deux susdittes demie fermes du côté du midy, notamment celle du côté du Trésor.

            Etant montés sur l’enrayure campanaire et ayant examiné le corps du clocher, nous avons trouvé qu’il n’est resté de son ancienne construction que ce qui pouvait essentiellement faire ses points d’apuis et les contrefiches servans à butter le poinçon de la flèche, que pour consolider cet objet il a été fait et établi un nouveau corps de clocher qui est lié à l’ancienne charpente tant par des embrasures de fer qu’entretenues par deux nouvelles enrayures qui sont également liées par des platebandes et boulons de fer de manière à ne faire qu’un seul et même corps.

            Nous avons tout lieu de croire que les bois qui ont été suprimés de ce clocher doivent être pouris et consommés : de ceux qui sont restés il en est encore qui pouraient inquiéter s’il résultait que la solidité de ce clocher pût dépendre de leur bon ou mauvais état.

            Ayant très attentivement examiné les ouvrages qui ont été faits, nous avons reconnu que l’on a usé de la plus grande économie, que l’on a fait que ce qui était indispensablement nécessaire pour mettre le clocher en sureté : pour nous assurer si depuis ces ouvrages ce clocher n’avait point faire d’effet, non seulement nous avons visité tous les nouveaux assemblages, mais encore nous l’avons fait plomber sur ses hui faces, et nous avons reconnu qu’il n’a fait et ne devait faire aucun effet.

            En continuant notre visite nous avons reconnu deux enrayures neuves établies sur les anciennes que l’on a eu l’attention de ne point suprimer ; arrivé au dessus de la deuxième enrayure neuve nous avons remarqué qu’en ces endroits l’on a discontinué la réparation et que c’est depuis cette dernière enrayure neuve jusqu’à celle qui forme la nouë qu’il est nécessaire de travailler pour achever de consolider ce clocher.

 

            Etant montés sur les autres enrayures dans le corps de la flèche jusques où il nous a été possible de pénétrer nous en avons trouvé la charpente en assez bon état quant au poinçon et aux enrayures, mais les arestiers et les nouës du côté du midy sont très fatiguées à l’endroit de l’inclinaison de la flèche et on remarque qu’il y a eu des réparations de faites à différentes époques tant aux enrayures qu’au poinçon de cette flèche que nous avons reconnu avoir été haute.

            Nous venons sommairement de rendre compte de ce que nous avons remarqué pendant le cour de notre visite du susdit clocher et de la flèche et nous sommes assurés que ni l’un ni l’autre ne menacent ruine.

            Nous sommes assurés que les ouvrages que l’on y a fait n’ont point nui a sa solidité puisque rien n’a pu nous indiquer qu’il ait faire d’effet depuis cette réparation.

            Nous laissons à M. Varsy, présent et avec lequel nous avons fait nos opérations et notre visite, à dire ce qu’il estime qu’il convint faire pour achever de donner à ce clocher la solidité nécessaire pour répondre aux vuës et aux intentions de Messieurs Dons et de ce que nous avons fait et dressé le présent auquel seront joints les plans et coupes que nous avons levés du dit clocher, qui sont signés de mondinsieur Varsy et de nous le 17 août 1788 »

 

Maheu             Varsy               (signatures)

 

 Nous apprenons par le charpentier Maheu que le clocher, structure rajoutée peut-être à l'époque d'Henri II vers 1550, voire avant, reposait sur quatre poteaux, mis à l'aplomb des demies-fermes. Il n'y avait que quatre noues à la croisée des transepts. Plus tard, à l'occasion de travaux de renforcement, quatre arêtiers sont rajoutés depuis les angles de la croisée des transepts. Chaque arêtier, le long des toitures des combles, forme un angle saillant qu'il faut recouvrir de plomb. Chaque angle de toiture se compose alors d’un angle saillant entouré de deux angles rentrants nommés les noues, comme l’illustre la photo de Notre-Dame de 1850 ci-dessus.

 

Ces deux expertises réalisées à quelques semaines d’intervalle nous apprennent que la structure primitive de la flèche ne comportait pas d’étage au dessus des toitures portant des cloches. Ce rajout fut la cause d’un affaiblissement important de la structure, tant dans le raccord de ce nouvel étage campanaire à la souche située au dessous, qu’à la fixation de la flèche, la partie pyramidale, au dessus. Pour pallier à l’affaiblissement de la souche, quatre arêtiers sont posés dans les noues, au dessus des arbalétriers existants, avec une inclinaison plus prononcée, étant ainsi saillants sur les noues, visibles de l’extérieur, quoique recouverts de plomb.

Qu’en pense Viollet-le-duc qui a eu le temps et le devoir d’étudier cette souche primitive ?

Il écrit dans son Dictionnaire d’architecture, au tome 5, de 1861 :


Page 448 « Notre-Dame possédait une flèche en bois recouverte de plomb, qui datait du commencement du XIIIe siècle. Cette flèche, démolie il y a cinquante ans environ, était certainement la plus ancienne de toutes celles qui existaient encore à cette époque ; sa souche était restée entière, à l’intersection des combles, jusqu’à ces derniers temps. Or, des flèches de charpente, la partie la plus importante, celle qui demande le plus d’étude et de soins, au point de vue de la construction, est la souche ; aussi avons-nous relevé exactement ces débris de l’ancien clocher central de NDP, avant de les enlever pour y substituer la charpente nouvelle, qui, du reste, est établie d’après le système primitif… »

page 452 « Un chapiteau V (fig 12) sculpté dans le poinçon central donnait la date exacte de cette flèche (commencement du XIIIe siècle). A une époque assez ancienne, ces étais visibles et décorés placés dans les noues, si nécessaires à la solidité de la flèche, avaient été enlevés (probablement parce qu’ils avaient été altérés par le temps, faute d’un bon entretien) ; ce qui a dû contribuer à fatiguer les arbalétriers qui, alors, .. »

page 455 « La souche de la flèche de Notre-Dame de Paris, bien qu’elle fût combinée d’une manière ingénieuse, que le système de la charpente fut très bon, présentait cependant des points faibles ; ainsi, les grandes fermes diagonales (fig. 12) n’étaient pas suffisamment armées au pied, les contre-fiches-moises AG ne buttaient pas parfaitement les poteaux extérieurs de la pyramide, les arbalétriers étaient faibles, les entraits retroussés sans puissance… Ces contre-fiches, à cause de leur grande longueur, pouvaient se courber, ce qui avait eu lieu du côté opposé aux vents. Par suite, la flèche toute entière avait dû s’incliner et fatiguer ses assemblages. Généralement, les pièces inférieures n’étaient pas d’un assez fort équarrissage ; puis, pour les charpentes qui sont soumises aux oscillations causées par les ouragans, les clefs de bois sont évidemment insuffisantes...»


Dans un premier temps Viollet-le-duc admire la conception de la souche primitive, dans un deuxième temps il critique la faiblesse des appuis des fermes diagonales, la section insuffisante des pièces inférieures qui pourraient plier sous les assauts des vents. Cette notion de vent destructeur est clairement indiquée dans le rapport d’Antoine, le charpentier du roi, lorsqu’il dénonce la forme en étoile de la pyramide de la flèche qui resserre le vent dans ses longs canaux formés par les angles saillants, augmentant les efforts de torsion auxquels la flèche est soumise.

Viollet-le-duc garde l’option de la pyramide à face en étoile. Conscient des efforts auxquels la flèche est soumise, il opte pour placer des arêtiers au dessus des arbalétriers pour un meilleur épaulement sur son plan de 1858, pas sur celui de 1843. Ces plans sont conservés à la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie.

Les sections des bois portées sur le plan de Francastel et Guerne ne sont guère inférieures à celles portées sur les plans de Georges, le gâcheur de Bellu, l’entrepreneur en charpente de Viollet-le-duc.

Le plan de Maheu indique clairement les reprises des appuis pour les fermes diagonales qui furent faites au fil du temps. Les charpentiers eurent à se battre contre les affaiblissements sur la souche elle-même, outre l’entretien de l’octogone dont la création rompit l’équilibre primitif de la flèche, d’après ces deux rapports.

 

Appui des fermes diagonales, plan de Maheu et Varsy. © Archives Nationales, cote SB496
Appui des fermes diagonales, plan de Maheu et Varsy. © Archives Nationales, cote SB496

 

En bas de ce plan sont les angles sud-ouest à gauche, sud-est à droite. Ils nous découvrent le renforcement des appuis sud, alors que les appuis nord n’ont pas été touché. L’angle sud-ouest a été plus repris que l’autre angle sud. Que pouvons-nous en penser ? Au fil des années les chanoines firent exécuter des changements sur la flèche, en commençant  par la création d’un plan campanaire rapporté au XVIe, sans doute, puis, au fil des années, eurent à lutter contre les dégradations liées aux intempéries et à la fragilisation de leur flèche due aux modifications. Globalement, en 1788, les bois porteurs se révèlent être pourris.

 

Le plan ci-dessous propose une mise en image de l’hypothèse de l’évolution de cette flèche en deux couleurs, jaune pour la flèche primitive, en bleu pour le rajout de l’étage campanaire. Cette hypothèse doit être validée, ou non, par des charpentiers connaisseurs. Ceci est un appel aux lecteurs.

 

 

Plan de Maheu et Varsy colorisé. © Archives Nationales, cote SB496 et Christian Dumolard
Plan de Maheu et Varsy colorisé. © Archives Nationales, cote SB496 et Christian Dumolard

Au fil du temps l’entretien est défectueux. Lors de l’expertise, la pluie pénètre dans la flèche au travers d’une simple toile posée sur l’ossature en bois, toile déroulée sur trois mètres de haut environ. Elle se  substitue à l’étanchéité primitive des lames de plomb, laissant ainsi tomber l’eau pluviale sur les bois et les voûtes de pierre au dessous. Cette situation gravissime condamne à terme la flèche.


Comment se fait-il qu’une simple toile posée sur l’ossature bois puisse recouvrir une partie de la flèche, prétendant assurer son étanchéité ? Quand a-t-elle été posée ?

La réponse nous est donnée dans le registre capitulaire du 4 juin 1788, cité en début d’article : « … le mauvais état des plombs, charpente et couverture du clocher, dans sa partie supérieure à celle qui a été réparée en 1784, demandait toute l’attention du chapitre ... »


Ainsi, en 1784 une réparation a eu lieu sur la flèche. Que dit le registre capitulaire de cette année là ?

 

« Capitulum Generale Sancti Joannis Baptistae habitum die veneris vigesima quinta mensis junii 1784.

Chapitre général Saint Jean Baptiste

Vendredi cinq juin 1784


Sur le compte rendu par M. Radix chanoine l’un de Messieurs les intendants de la fabrique que dans la visite de l’église par luy faite selon l’usage conjointement avec Messieurs les intendants des Batiments M. le Chambrier et M. l’agent des affaires assistés du sieur Parvy inspecteur des batimens, ils auraient observé et reconnu que l’état du clocher placé sur la croisée de l’église exigeait des réparations qu’il serait dangereux de différer et dont ils avaient fait dresser un procès verbal avec devis estimatif des différents objets de dépense nécessaire aux dites réparations ; Messieurs, après en avoir délibéré et lecture faite des dits procès verbal et devis, ont arrêté qu’il serait incessamment procédé à une nouvelle visite dudit clocher plus détaillée, dont il sera pareillement dressé nouveau procès verbal, avec devis des réparations et autres dépenses y relatives le plus étendu qu’il sera possible, pour, le tout rapporté au chapitre être statué ce qu’il appartiendra.

Et MM. Lucas sous chantre et Dupinet ont été priés de bien vouloir se joindre, pour la nouvelle visite, à ceux de Messieurs qui ont fait la première.


Die veneris secunda mensis julii 1784

Vendredi 3 juillet 1784

Oui, les rapports faits par MM. Les commissaires nommés par conclusion du 24 juin dernier pour faire une nouvelle visite du clocher placé sur la croisée de l’Église, Messieurs, après en avoir délibéré ont arrêté qu’il sera incessamment dressé un échaffaud pour servir tant à compléter l’examen de l’état dudit clocher notamment dans sa partie la plus élevée, qu’aux travaux à faire pour sa réparation, et ont priés mesd. Sieurs les commissaires de vouloir bien se concerter entre eux avec le S. Parvy inspecteur des batimens pour faire donner audit échaffaud toute la solidité qu’il convient aux moindres frais possibles.


Die lunae vigesima sexta mensis julii 1784

Lundi 6 juillet 1784

Messieurs les intendans de la fabrique et messieurs les commissaires nommés par conclusion du 26 juin dernier ont dit, qu’au moyen de l’echaffaut établi sur la base ou platte forme du clocher en exécution de la conclusion du 4 de ce mois, ils seraient montés à trente pied de hauteur environ (10 mètres) en dehors d’icelui, conjointement avec le sieur Parvy inspecteur des batimens et deux ouvriers et qu’ils auraient procédé à un nouvel examen le plus etendu et le plus reflechi qu’il etait possible des différentes parties du clocher.

Qu’en outre et selon les pouvoirs que le chapitre leur en avait donnés verbalement, ils auraient appellé les sieurs Roubo et Niquet experts en cette partie lesquels avaient fait chacun en particulier, puis conjointement une pareille visite du dit clocher dont ils avaient dressé procès verbal qui avait été remis à M. le chambrier.

Oui, le rapport fait par Mesd. Sieurs les intendans et commissaires de leur dite visite et lecture faite du procès verbal de celle faite par lesdits sieurs Roubo et Niquet signé d’eux, Messieurs, après en avoir délibéré, ont arreté que sans aucun retard il sera procédé à la suppression des seize ornements gothiques qui sont placés immédiatement au dessus des ouies ou ouvertures cintrées du dit clocher, dont huit en forme de faux frontons et huit en forme de faux obélisques et que ledit clocher sera découvert jusqu’à la hauteur de vingt (6,5 mètres) à vingt cinq pieds (8,14 mètres) à prendre de la susdite bas ou platte forme (soit de la Ve enrayure, au niveau de la faîtière, à la VIIIe ou IXe enrayure, le départ de la pyramide), remettant Mesd. Sieurs à prendre une délibération ultérieure relativement à la reparation après que cette opération préliminaire les aura plus amplement éclairé. En outre qu’il sera délivré par le sieur Barbié Receveur de la fabrique au sieur Mortier Garde du Thrésor une somme de soixante livres pour être remise par lui aux dits sieurs Roubo et Niquet par forme d’honoraire de leur visite.


Die mercurii vigesima octava mensis julii 1784

Mercredi 8 juillet 1784

Messieurs les intendans de la fabrique et messieurs les commissaires nommés pour la visite du clocher ont dit qu’en execution de la conclusion du lundi 26 de ce mois, on aurait entrepris le travail necessaire pour la suppression des faux frontons et obélisques placés sur la base ou platteforme dudit clocher et pour le decouvrir, et que cette opération quoique non encore achevée leur ayant paru assés avancés pour faciliter un nouvel examen plus complet que les précedents ils se seraient transportés de nouveau sur l’echaffaut pour y proceder.

Que toutes les opérations qu’ils auraient faites avaient concouru à les convaincre de la bonté et solidité des parties essentielles de la charpente de la flèche et qu’ils se réunissaient pour assurer la compagnie qu’elle ne devait concevoir aucune crainte à cet égard.

Que de plus le sieur Parvy inspecteur des batimens aurait en son particulier et sans les avoir prévenu fait une pareille visite dont il avait dressé nouveau procès verbal en datte de ce jour, dont la précision ne semblait rien laisser à désirer.

Oui, le rapport Messieurs après en avoir délibéré, ont fait leurs remerciements à Mesd. Sieurs les intendans et commissaires, et en confirmant en tant que de besoin la conclusion du 26 de ce mois touchant la suppression totales des frontons et obélisques placés sur la base ou platteforme du clocher, ont arreté, que pour procurer à la pyramide ou flèche dudit clocher une plus grande solidité, la dite pyramide ou flèche qui dans toute sa hauteur est à seize angles, savoir huit saillans et huit rentrans, sera reduite aux seuls huit angles saillans à la hauteur de vingt cinq à trente pieds (8 à 10 mètres), sauf par la suite des tems à continuer cette opération lorsque les circonstances l’exigeront ; et que du reste le devis etant ensuite du 1er procès verbal dudit sieur Parvy en datte du 22 juin dernier sera exécuté selon sa forme et teneur. »



De la lecture de ces pages du registre capitulaire apparaissent deux interventions lourdes effectuées sur la structure de la flèche.

La première est le démontage des « faux frontons » et des « obélisques » les couronnant. A quoi ressemblent-ils ? Voyons deux copies du dessin de Garneray père :


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Photo-montage

à gauche le dessin dit de Garneray, article du 4 juin 2024 « chroniques d’architecture » de Philippe Machicote, CCO Musée Carnavalet

à droite dessin de ce même original par Féart, article de janvier 1859 dans le journal « Le magasin pittoresque », page 92, Gallica


Le dessin de gauche est moins précis quant à la partie pointue de la pyramide et à la partie basse de au niveau des toitures qui est non représentée. Son intérêt réside dans l’annotation au crayon réalisée par Alfred Bonnardot, dessinateur parisien (1808-1884). Philipe Machicot dans son riche article mentionné ci-dessus l’identifie comme l’auteur anonyme de cette annotation par le fait qu’il n’écrit pas le « A » en début de phrase en majuscule mais toujours en minuscule agrandie, comme dans sa signature. En concordance, ce nom de Bonnardot se retrouve dans l’article du journal le « Magasin pittoresque », à droite sur ce photo-montage, qui évoque la même flèche.


Cette annotation précise le contexte du dessin : « ancienne flèche de Notre-Dame détruite en 1792 d’après la copie que possédait M. Gilbert – n° 45-15 du catalogue Gilbert p. 36 – d’un dessin de Garneray père. J’ai vu l’original chez M. Lassus ». Au dessus du dessin de la flèche se trouve une mention « à recopier » tout contre un dessin au crayon montrant le pointu de la flèche dont les zébrures indiquent clairement le revêtement en étoile de la pyramide, avec des angles saillants alternant avec des angles rentrants, tandis que le dessin de Garneray suggère des faces lisses, ce qui n’est pas le cas si le dessin est réalisé avant 1784. Pour Bonnardot c’est sans doute ce petit dessin qui est à recopier, et non le grand dessin de la flèche dépourvu de cette précieuse indication.


Le dessin de droite est attribué en sous-titre à Adrien Féart (1813-1879) dessinateur, sculpteur, médailleur. Le traitement au trait de la flèche indique que ses faces sont incurvées en leur milieu et qu’un angle sur deux de l’octogone est en appui non dans le prolongement de l’axe des toitures, mais en appui saillant jusqu’au bas de la noue de la croisée des transepts.

Pourquoi avoir fait démonter le sommet des huit fenêtres géminées, constitué du fronton et de son couronnement par un obélisque festonné ? La réponse n’apparaît pas dans les attendus du registre capitulaire, mais la nécessité d’agir immédiatement « sans aucun retard » indique un état très inquiétant, sans doute à la limite de la chute.

 

La deuxième intervention lourde est la suppression de la forme en étoile des faces de la pyramide, ou flèche. Il est décidé que « (la flèche) sera reduite aux seuls huit angles saillans à la hauteur de vingt cinq  à trente pieds ». La flèche doit être transformée en face lisse sur huit à dix mètres de haut, soit de la IX° à la XII° ou XIII° enrayure selon le plan de 1788 des charpentiers Guerne et Francastel. Les faces incurvées se transformaient-elles en rigoles lors des pluies, concentrant l’évacuation en huit points au lieu de l’ensemble du périmètre de l’octogone de la flèche ? Comme il n’est pas possible de toucher à la structure de bois porteuse de la flèche, la solution est de tendre une toile enduite sur les huit faces pour les aplanir. L’utilisation d’une toile enduite se retrouve sur d’autres monuments comme solution rapide, mais précaire. L’étanchéité des jointures hautes et basses de cette toile dût se corrompre car lors du constat de 1788 la pluie tombe jusqu’aux voûtes de pierre sous la flèche.


La solution arrêtée en 1784 d’enduire le bas de la flèche sur huit à dix mètres d’une toile, soit près de la moitié de sa hauteur, n’est plus effective en 1788 car la toile n’est présente que sur trois mètres de haut. Pourquoi cette différence importante de cinq mètres en moins ? Que s’est-il passé ? Pour effectuer ces travaux un échafaudage avait été monté sur la plateforme campanaire permettant de s’élever de dix mètres, comme indiqué dans le registre capitulaire du 6 juillet 1784.

A quoi pouvait ressembler cet échafaudage ? L’échafaudage en bois de la restauration de la flèche en 1935 peut en donner un aperçu, les techniques étant similaires. Celui de 1784 s’élève moitié moins haut et prend appui de la même manière sur la base campanaire du clocher.

 

Quoiqu’il en soit des fragilités constatées de la flèche en 1784, les remèdes qui lui sont apportées semblent davantage la blesser que la soigner.


Même l’ajout des quatre arêtiers supplémentaires, à une époque reculée, ne peut remplacer une absence de soins ultérieurs. En 1788 la flèche penche dangereusement, avec une inclinaison de plus en plus prononcée sur ses segments hauts au fur et à mesure que l’on monte.

 

La première expertise conclue à la nécessité de détruire l’actuelle flèche, la partie au dessus de la toiture comprenant le plan campanaire avec ses cloches et la pyramide, ou aiguille, posée au dessus. La deuxième expertise affirme que le clocher et la flèche ne « menacent pas ruine ». Maheu, prudent, ajoute néanmoins qu’il laisse à Varsy, l’inspecteur des bâtiments du chapitre, « ce qu’il convint faire pour achever de donner à ce clocher la solidité nécessaire ».

 

Ces deux expertises sont contradictoires. Qu’en pensent les chanoines assemblés en chambre, lors d’un chapitre ? Leurs débats ne nous sont pas parvenus, mais leur conclusion figure au registre du 18 août 1788 :


« Die luna decima octava mensis Augusti 1788

Sur l’exposé fait par Monsieur Radix, chanoine l’un de Messieurs les Intendans de la fabrique, que la saison serait trop avancée pour qu’il fût à propos de s’occuper actuellement du parti définitif à prendre relativement au clocher de l’Église, d’après les procès verbaux et plans qui auraient été faits en vertu de la conclusion du 4 juin dernier ; que cependant il serait nécessaire d’empêcher que, pendant l’hyver, l’eau pénétrant dans ledit clocher, n’y causât un deperissement ; Messieurs, après en avoir délibéré, ont, par provision, autorisé Mesd. Sieurs les Intendans de la Fabrique à faire au dit clocher tout ce qui serait nécessaire pour parer aux injures de l’hyver. »

 

En clair, pour les chanoines, il est urgent d’attendre … Leur préoccupation immédiate est de mettre hors d’eau le clocher pour qu’aucun ouragan hivernal ne puisse l’endommager en attendant les jours meilleurs de 1789. Ces jours meilleurs arrivent sous forme d’un ouragan social et politique en juillet 1789 qui tranchera à leur place le destin de la flèche.


Jean-Jacques Varin, « Maître maçon privilégié du Roy », selon les registres capitulaires des chanoines, qui restaure l’extérieur des tours de l’Église (la cathédrale) en 1788, est chargé de détruire la flèche en 1794 par la Commission des Travaux publics de la commune de Paris, après avoir abattu les statues de la galerie des rois et détruit la flèche de la Sainte-Chapelle de Paris, la laissant avec un trou béant faisant pourrir la charpente, indique Gustave Gautherot dans son ouvrage  Le vandalisme jacobin, édition Beauchesne, 1914. L’argent n’a pas d’odeur.

 

Cet épisode de la vie des flèches enseigne que la volonté humaine, après avoir souhaité et réalisé leur anéantissement à un moment donné, est capable quelques dizaines d’années plus tard de réaliser un travail de restauration et de refaire ce qui existait précédemment, pour prolonger la mémoire du monde gothique, même s’il faut le qualifier alors de néogothique, que ce soit la deuxième flèche édifiée en 1860 par Viollet-le-duc ou la troisième flèche de 2024 nouvellement reconstruite par les architectes Villeneuve, Fromont et Prunet. L’état de nos cathédrales est l’exact reflet de notre motivation à les entretenir. Ce legs nécessite une attention constante, à toutes les époques. C’est ce que nous enseigne la vie troublée de cette flèche primitive qui fut suivie étonnamment de deux suivantes, ce que personne n’aurait pu prédire.



Par Christian DUMOLARD, Paris le 23 août 2025, modifié le 16 novembre 2025

Sociologue, histoirien, membre Éminent de Restaurons Notre-Dame (rND)

Spécialiste des cathédrales gothiques, de la charpenterie et du compagnonnage


A propos de l'auteur

Christian DUMOLARD est l'auteur de l'expographie exceptionnelle "Notre-Dame de Paris" disponible sur le site de Restaurons Notre-Dame.


Auteur de ces photos inédites de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, Christian Dumolard est membre Éminent de l'association "Restaurons Notre Dame" depuis son origine. Il nous confie ce texte révélateur d'une passion hors norme pour la cathédrale :

" Notre-Dame de Paris, ainsi que ses soeurs, ont été pour moi une passion depuis plus de 45 ans. Je m'y suis un peu englouti, liquéfié. J'ai donc presque deux personnes en moi. La normale, familiale, professionnelle etc.. Puis la seconde, secrète, centrée sur "la pensée symbolique". Mes photos en sont le reflet et montrent que je suis allé au bout de ma passion, au bout des charpentes, des roses et d'autres lieux réservés, là ou ailleurs.

Derrière les traces symboliques se trouvent la chair des personnes animées - voire leur sang - pour faire ces grandes réalisations de notre civilisation. Partons d'un Maurice de Sully et son rêve fou et hors-normes des années 1170-75, mentionnons la mort d'un M. Blin, chef d'équipe des charpentiers et responsable du levage de la flêche, dans laquelle il chuta de la première enrayure, 11 jours après l'inauguration de celle-ci par Viollet-le-duc le 29 juin 1859, et finissons par l'incendie du 15 avril 2019, symbole parlant de notre nouvelle relation à notre patrimoine, aveuglement consenti suite à une confiance absolue et lâche en des moyens techniques trop sophistiqués, édictés comme plus fiables que l'humain incertain."


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